Pauline Chardonnet : « Les nouvelles réglementations encouragent les projets de construction à faible impact foncier et énergétique en montagne »

Pauline Chardonnet, avocate spécialiste en droit public, a répondu à nos questions sur les règles d’urbanisme en montagne, thème de son intervention lors du colloque sur « la montagne du futur » organisé le 6 juin 2025 par la commission droit public et droit de l'environnement du barreau de Lyon.
Ce colloque réunira des professionnels et experts pour discuter des défis auxquels les territoires de montagne sont confrontés, notamment en matière de biodiversité, de construction et de vie locale. L'objectif est de dégager des solutions concrètes pour l'avenir de ces régions, avec des tables rondes et des échanges avec le public.
Quelles sont les règles d’urbanisme propres à la construction en Montagne ?
Les zones de montagne imposent de concilier plusieurs enjeux. Il est nécessaire de rendre attractif le territoire tout en préservant sa biodiversité. Pour répondre à ces défis, une première loi a été émise pour le développement et la protection de la montagne en 1985. Elle fut complétée par une seconde loi de 2016.
Ces lois Montagne I et II fixent un cadre réglementaire regroupé sous la forme de six principes qui régissent l’aménagement futur des zones de montagne. Des règles doivent être traduites dans les documents d’urbanisme qui déterminent les normes à respecter localement. Elles sont également directement opposables aux autorisations d’urbanisme.
Un premier principe autorise les nouvelles constructions seulement en continuité de l’urbanisation existante. Pour lutter contre les constructions dispersées, les projets doivent s’implanter à proximité des villages. Un plan local d’urbanisme ne peut pas densifier une zone trop éloignée d’un groupement d’habitations.
Un deuxième principe oblige les documents d’urbanisme à préserver les terres nécessaires au développement des activités agricoles, pastorales et forestières. Par exemple, sont concernées par cette protection, ces zones ciblées par le label rouge ou comprises dans un périmètre d’une AOP/AOC.
Quelles sont les évolutions règlementaires liées à la prise en compte de la transition écologique ?
Premièrement, adoptées à l’échelle nationale, des nouvelles réglementations ont des répercussions sur les nouvelles constructions en montagne.
D’une part, la loi Climat et Résilience, adoptée en 2021, vise à arrêter la destruction des espaces naturels et prescrit une sobriété foncière. Cette loi impose un calendrier à respecter par les élus. Un objectif intermédiaire prescrit la division par deux du rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 par rapport à la période 2011-2021. Puis, un objectif final interdit l’artificialisation d’une surface sans être compensée. Aucune surface nouvelle ne pourra être bâtie, sauf à être compensée. Ces ambitions imposent de revoir les documents d’urbanisme pour cibler les zones naturelles à protéger et les secteurs à densifier.
D’autre part, depuis 2022, la règlementation environnementale RE 2020 impose une réduction de l’empreinte carbone des bâtiments, encourage l’utilisation de matériaux biosourcés et favorise l’adaptation des constructions aux contraintes montagnardes.
Deuxièmement, les lois "Montagne” instaurent des dérogations pour ne pas freiner la production d’énergies renouvelables. Peuvent être implantés des parcs éoliens et des installations de méthanisation en discontinuité de l’urbanisation existante.
Quelles perspectives demain pour la construction dans les territoires de montagne ?
Les différentes réglementations encouragent les projets à faible impact foncier et énergétique.
Tout d’abord, en raison de la loi Climat et résilience, les politiques publiques d’aménagement seront contraintes de réduire l’expansion des villages pour éviter la consommation de terres naturelles. Les projets devront optimiser au maximum la surface au sol consommée. Seront autorisés les projets sobres entrainant une densification raisonnée.
À terme, des bâtiments sur des terrains vierges ne pourront plus être réalisés, sauf s’ils sont composés par une renaturation d’une zone naturelle équivalente.
Ces futures restrictions favorisent les réhabilitations et les rénovations du bâti ancien, sans aucune artificialisation du sol.
Ensuite, la règlementation environnementale RE 2020 admet des constructions neuves sous réserve de l’utilisation de matériaux à haute performance énergétique.
Les porteurs de projets devront privilégier des matériaux issus du circuit court et biosourcés, comme le bois local. Les constructions seront également réalisées grâce à des technologies adaptées à l’altitude.
Ainsi, les constructeurs devront respecter les exigences de performances énergétiques et environnementales. Ces nouvelles contraintes s’ajoutent aux règles particulières et protectrices de la montagne.
Pour aller plus loin :
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pour s’inscrire au colloque sur « la montagne du futur » (possibilité aussi de le suivre à distance), c'est ici ;
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la revue Horizons publics a consacré l’un de ses derniers numéros sur « Les territoires de montagne en transitions ».